Pour ne pas s’ennuyer lors de la présentation de son livre – son livre : ce possessif lui donne toujours de drôles de papillons dans le ventre, elle n’imaginait pas pouvoir l’écrire- Emma a décidé d’en présenter la genèse selon des angles différents. Cette fois elle va leur parler de ses rêves.
Pierre et Ernest ; Ernest qui s’est fortement mouché en lui donnant tout à l’heure pour tout bonjour une accolade bourrue ; se sont installés au fond de la librairie, vers la littérature jeunesse et leurs visages un peu pâles contrastent avec les couvertures aux couleurs vives, voire criardes. Une question taraude Emma qu’elle pas eu le temps de leur poser, où est Lucie, pourquoi n’est elle pas venue avec eux ? Elle ramène ses yeux sur le reste de son auditoire sagement assis sur les chaises en rang comme à l’école songe t-elle encore et qui attend patiemment.
« Tout a commencé par un rêve ou plutôt plusieurs leur dit elle un rêve récurrent que je faisais enfant et qui m’a reprise à l’adolescence. Un rêve mettant en scéne une femme et un petit gant noir… Plus tard. j’ai ai appris les circonstances de mon adoption et compris que cette femme était vraisemblablement ma mère, celle qui m’avais mise au monde et qui pour son malheur était juive… »
Après la rencontre, Emma salue, s’installe à la petite table ; pile de livres, un verre d’eau ; que la libraire lui a installée. Elle est consciente de la présence de son père dans la queue bien qu’elle n’ose pas lever les yeux sur lui, et quand c’est au tour d’Ernest de lui tendre son livre, elle se surprend à rougir, ajoute à la dédicace initiale « Je n’ai jamais cessé de vous aimer, pardon » de son écriture fine, un peu tremblée. Nous t’attendons au troquet en face souffle Ernest en reprenant le livre. Intriguée, l’éditrice qui a surpris ces mots s’est approchée et Emma ne peut faire autrement que de les présenter, balbutiante : Claudine est mon éditrice, Claudine je te présente mon père Ernest et ce jeune homme là bas est mon fils Pierre. Emma prie pour que Claudine ne rajoute rien, et Claudine en effet qui sait qu’il y a un temps pour les questions s’efface après avoir salué les deux hommes tandis qu’Emma continue sa séance de dédicaces dans un état second, une sorte de brouillard s’est installé entre elle et la réalité et et elle laisse s’égrainer la litanie des » C’est pour qui ? » Entend à peine les compliments les témoignages : les « quel plaisir de vous lire » les « j’ai tellement aimé votre livre » les « ma mère, tante, grand mère aussi a disparu … »
Lorsqu’enfin elle peut s’éclipser, elle traverse l’avenue, remarque distraitement que la circulation s’est encore intensifiée sur la place de l’étoile, Paris la circulation ça devient vraiment dingue et sans s’autoriser le moindre atermoiement, – Ne serait elle pas capable de prendre ses jambes à son cou ? Son coeur bât si fort qu’il lui semble qu’il pourrait exploser – Pousse résolument la porte du café.
Les deux hommes sont installés à une petite table près du zinc et Pierre lui offre sa nuque, qu’elle contemple avec beaucoup d’émotion c’est donc ça on quitte un enfant on retrouve un homme… C’est Ernest qui levant la tête lui intime « viens t’asseoir Emma »et Pierre sans la regarder se pousse pour lui faire une place à côté de lui sur la banquette de molesquine noire.
Plus qu’un troquet, c est un vrai grand café parisien, le café typique des beaux quartiers, avec de belles glaces sur pied, égayé de peintures modernes dont les grands aplats de couleur tranchent sur les boiseries sombres et le mobilier austère. De sa place Emma les voit tous trois reflétés à l’infini au dessus de la tête d’Ernest. Tous deux prennent la parole en même temps : je… Tu… Puis éclatent de rire. Tu aimes toujours ton café crème ? interroge Ernest puissants attendre la réponse se tourne vers le bar. , » Remettez nous deux cafés noirs ainsi qu’un café crème je vous prie » et Emma sourit de retrouver l’extrême correction de son père. Ernest fait une grimace en voyant l’addition qui accompagne leurs cafés dans sa petite soucoupe. Ca se mérite la place de l’étoile et comme Emma tente : » Papa c’est pour moi l’a… » Non ma fille il n’en est pas question »la coupe Ernest. Il toussotte et Emma pour cacher son trouble porte vivement la tasse à sa bouche et manque de s’étrangler avec la boisson brûlante.
Tandis qu’ Ernest se lance dans une conversation laborieusement ordinaire, le temps, la cherté, ses rhumatismes. Emma, tout en jouant sa partition, celle de la fille qui n’a pas abandonné sa famille pendant plus de vingt ans, les regarde tour à tour et surtout Pierre qu’à la dérobée elle dévore des yeux, cherchant à retrouver dans cet inconnu, le petit garçon blond, un peu rond, qu’elle avait laissé.
Elle constate que dans le bavardage diffus de son père il n’est pas question de maman et entreprend de poser la question qui lui brûle les lèvres « Est ce que Lu…? » Quand Pierre qui n’avait pas ouvert la bouche jusqu’ici, Pierre se tourne vers elle: « Quand même ces rêves… »
Je lis la suite (Emma 10). Drôle : tu as écris « interroge Ernest puissants attendre la réponse se tourne vers le bar » . je pense que c’est « interroge Ernest, puis sans attendre la réponse, se tourne vers le bar ». Biz
J’aimeAimé par 1 personne